Situation économique
Dans l'univers obligataire, la récession est présente dans les esprits depuis l'été 2022 aux Etats-Unis, dans la zone euro à la fin de la même année et depuis quelques semaines en Suisse. L'inversion des courbes de taux entre le 2 et le 10 ans a atteint actuellement des niveaux records d'environ 1% aux Etats-Unis, 0.8% en Europe et 0.2% en Suisse.
Alors qu'il y a quelques semaines encore, le marché anticipait les premières baisses de taux dès le troisième trimestre de cette année, les acteurs du marché ont dû revoir leurs attentes. Il ressort que l'activité économique reste résiliente malgré le fort ralentissement observé ces derniers trimestres. Techniquement, il y aura des signes de récession (deux trimestres consécutifs de croissance négative du produit intérieur brut (PIB)), mais il n'en reste pas moins que l'économie mondiale se révèle actuellement extrêmement résistante, ce qui complique la tâche des banquiers centraux.
L'environnement désinflationniste qui nous a accompagnés au cours des six premiers mois de l'année devrait progressivement disparaître dans les mois à venir, à mesure que l'effet de base s'estompe. Nous serons alors confrontés à une inflation sous-jacente plus tenace que prévu, qui nécessitera probablement une période prolongée de hausse des taux d'intérêt, voire une récession et un ralentissement du marché du travail et de la demande. Pour rappel, le taux d'intérêt final attendu par la FED en 2022 pour lutter contre l'inflation était de 2.8%, il était de 5.1% en début d'année et est désormais de 5.6%.
La situation en Suisse reste plus confortable car l'inflation et donc logiquement les taux d'intérêt sont nettement plus bas, mais la tendance reste similaire. Les instruments à la disposition de la BNS sont multiples et utilisés en parallèle. D'une part, les taux d'intérêt ont été relevés de 1.0% en début d'année à 1.75%. D'autre part, des portefeuilles de devises ou des interventions directes sur le marché des changes peuvent maintenir un CHF fort et ainsi limiter l'inflation importée.
Immobilier direct
La hausse des taux d'intérêt, et donc des conditions de financement, commence à avoir un impact sur la demande de biens immobiliers privés, qui est passée en dessous de la moyenne de ces dernières années, selon une récente étude du Credit Suisse. Malgré une activité de construction limitée, de plus en plus de biens immobiliers sont proposés à la vente et le taux d'offre augmente. Bien que les derniers chiffres de Wüest Partner montrent encore une faible augmentation des prix des maisons individuelles et des appartements en copropriété, il ne fait aucun doute que le pic a été atteint et que des baisses de prix seront enregistrées au cours des prochains trimestres.
Dans le domaine de l'immobilier de rendement, on observe une détente des prix dans les transactions, les rendements nets initiaux payés remontant progressivement au-dessus de 2%, comme le montre le dernier baromètre immobilier de Fahrländer Partner. Le marché repose cependant sur des fondamentaux extrêmement solides qui compenseront, au moins partiellement, la hausse des taux d'actualisation dans les années à venir.
Malgré un excédent de naissances limité, de l'ordre de 18’000 à 20’000 par an, la forte croissance démographique de la Suisse se poursuit grâce à un excédent migratoire (+81’345 en 2022). Celui-ci s'est même à nouveau accéléré depuis 2022 et s'élève déjà à 40 686 personnes sur les 5 premiers mois de l'année. La baisse constante de l'activité de construction depuis 2018 ne permet guère d'espérer plus de 50'000 logements supplémentaires en 2023. A cela s'ajoutent plus de 60'000 réfugiés avec permis S en provenance d'Ukraine qui, progressivement, sont également à la recherche d'un logement.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le taux de vacance diminue, ce qui fait à nouveau craindre une pénurie à l'échelle nationale. Les acteurs concernés (Confédération, cantons, villes, communes et secteur de la construction et de l'immobilier) se sont même réunis autour d'une table ronde pour discuter des solutions possibles. Il ne fait aucun doute que l'allongement de la durée d'octroi des permis de construire observée ces dernières années devra être reconsidéré si nous voulons dynamiser l'activité de construction dans les années à venir.
Enfin, la première hausse du taux de référence et la possibilité de répercuter jusqu'à 40% de la hausse des prix dans les baux en cours auront un impact sur les loyers dans les trimestres à venir. D'autant plus qu'une nouvelle hausse de 0.25% est probable d'ici la fin de l'année, ce qui permettra une nouvelle augmentation d'environ 3%.
Pour rappel, lors de la crise immobilière des années 1990, le loyer moyen est passé de CHF 820 en 1990 à CHF 1’059 en 2000, soit une hausse de 29.1% pour une inflation cumulée de 23.4% sur la même période. Lors du dernier recensement en 2021, le loyer moyen en Suisse était de CHF 1’393 et offre toujours une protection contre l'inflation actuelle si l'on considère la structure actuelle des revenus et des dépenses des ménages.
Immobilier indirect
Après un départ solide dans les premières semaines de janvier, le marché indirect a connu une période plus compliquée avec l'onde de choc du Credit Suisse, deux nouvelles hausses des taux d'intérêt de la BNS et un ralentissement visible de la demande sur le marché immobilier direct, qui commence à se refléter dans les données.
D'autre part, comme nous l'avions envisagé en fin d'année 2022, le marché a été assez résistant et n'a pas reculé de plus de 5% au plus fort des incertitudes en mars 2023. Cela confirme que la hausse des taux a été correctement anticipée dans les cours boursiers des placements indirects, qui bénéficient également des solides fondamentaux du marché immobilier suisse à long terme.
Pour les fonds immobiliers cotés, l'activité sur le marché primaire a été quasi inexistante, à l'exception du fonds immobilier Cronos qui a levé 38.3 millions de CHF, dont 6.3 millions de CHF d'apports en nature. Pour les fonds non cotés et les fondations immobilières, l'activité a été nettement plus faible que ces dernières années, avec une activité à peine supérieure à 1 milliard de CHF.
Performance
Le début de l'année a été extrêmement favorable aux marchés des actions, avec une performance semestrielle de +8.2% pour l'indice des actions suisses SPI, +12.0% en CHF pour l'indice MSCI World et +13.4% en CHF pour l'indice S&P500 des actions américaines.
Le marché obligataire a également enregistré une performance positive au premier semestre, comme en témoigne l'indice obligataire SBI AAA-BBB avec une performance de +3.6%, et ce malgré la hausse du taux directeur par la BNS en mars puis en juin. L'aplatissement de la courbe en Suisse et la baisse relative des échéances moyennes et longues sur la période ont contribué à cette bonne performance.
Dans ce contexte, l'immobilier indirect suisse n'a que légèrement surperformé les indices étrangers. L'indice SWIIT des fonds immobiliers a terminé le semestre sur une performance de –0.4%, tandis que l'indice REAL des sociétés a progressé de +0.2%. En comparaison, l'indice FTSE EPRA/NAREIT developed des sociétés immobilières mondiales a clôturé sur une performance négative de –1.4%.
Enfin, l'indice CAFP des fondations immobilières a connu son plus faible démarrage depuis plus de 20 ans, avec une performance après cinq mois de +1.21% contre une moyenne de +1.81% sur les cinq dernières années.
Durabilité
La coordination entre les associations et les groupes d'intérêt s'intensifie et des solutions uniformes sont recherchées.
L'Asset Management Association Switzerland (AMAS) est en train d'élaborer des précisions sur les ratios environnementaux qui seront probablement obligatoires à partir du 30 juin 2024 et, parallèlement, l'AMAS recommande à ses membres de s'inspirer des "Bases méthodologiques" du benchmark CO2 REIDA. Il s'agit là de progrès précieux qui améliorent clairement la qualité et la comparabilité des indicateurs.
Une consultation a été menée sur les Swiss Climate Scores (SCS) par Swiss Sustainable Finance et l'AMAS qui ont élaboré ensemble une réponse que nous soutenons. Actuellement, les "Real Estate Asset Managers" sont encore explicitement exclus. Cela ne change rien à notre engagement en faveur de l'objectif net zéro et nous continuons à travailler avec persévérance sur notre base de données ESG afin d'afficher la meilleure transparence possible. Les SCS regroupent les scopes 1 et 2 et comptabilisent les émissions du scope 3 séparément, ce qui tend à devenir la norme. Dans le domaine "Credible Climate Stewardship", nous avons fait valoir qu'un engagement ESG était utile lors de l'exercice des droits de vote et d'élection aux assemblées générales, car c'est la seule façon pour nous d'expliquer notre démarche.
Les données pour les rapports GRESB de cette année devaient être soumises avant la fin juin. Dans le segment coté, trois fonds ont déjà mentionné une première participation (Immofonds, Swiss Central City et Residentia) et la société Intershop. En termes de capitalisation boursière de l'indice SXI Real Estate Fund, la couverture augmente de 4% à 76% à la fin juin. Pour l'indice SXI Real Estate Shares, la couverture augmente de 3.5% à 86%.
Perspectives
Le marché des capitaux restera difficile dans les mois à venir, surtout dans le contexte des cotations annoncées qui auront un impact sur l'ensemble du marché, lequel reste fortement influencé par les remaniements de portefeuille des investisseurs passifs.
Nous attendons par exemple la cotation du Sustainable Real Estate Fund dans le courant du mois de septembre avec un volume de l'ordre de CHF 360m. Le quatrième trimestre pourrait être encore plus chargé avec la cotation éventuelle du fonds CS 1a Immo PK avec un volume de CHF 3.3 milliards, mais aussi du ZIF Immobilien Direkt Schweiz avec un volume de CHF 1.1 milliard.
Les banques centrales ont également clairement indiqué qu'elles poursuivraient leur lutte contre l'inflation et que la vigueur du marché du travail nécessiterait probablement une poursuite du cycle de hausse des taux. Ces politiques, associées aux signaux des courbes de taux inversées, augmentent considérablement le risque de récession au cours des douze prochains mois.
D'un autre côté, le rendement moyen actuel des dividendes par rapport au taux fédéral à 10 ans reste nettement supérieur à la moyenne à long terme et la correction des cours boursiers en 2022 a positionné les actifs liquides à des niveaux attrayants par rapport au marché immobilier direct. La baisse continue du taux d'inoccupation et la hausse des loyers offrent également un soutien indéniable à la classe d'actifs.
Conclusion
Au 30 juin 2023, le niveau moyen des primes des fonds immobiliers est de 11.9%, ce qui donne un rendement du dividende de 2.80% pour un payout opérationnel de 99.5%. Pour les sociétés immobilières, le rendement du dividende est même de 4.03% pour un payout opérationnel de 88.6%, grâce à une valorisation qui présente un disagio moyen de 6.7%.