Marché du logement locatif : éclaircissement sure les frais accessoires

Le changement radical opéré par la Banque nationale suisse (BNS) en juin 2022 a été à l’origine de répercussions substantielles pour le marché du logement locatif. Pour la première fois depuis 15 ans, la BNS avait alors relevé le taux directeur afin de juguler l’inflation galopante et la pression générale sur les prix. Dans ce sillage, les locataires subissent depuis 2023 l’augmentation des loyers appliquée par les propriétaires sur la base de l’adaptation des taux de référence.

Outre les loyers, toutefois, les frais accessoires s’inscrivent eux aussi dans une tendance à la hausse. Ils ont en effet augmenté, sur fond de tensions géopolitiques, par rapport à la période de 2012 à 2021, durant laquelle les coûts de chauffage et d’énergie étaient restés largement inchangés. D’après les calculs du Credit Suisse, les frais accessoires des logements équipés d’un chauffage au mazout ou au gaz ont ainsi augmenté de 38% en 2021, tandis que Wüest Partner a chiffré leur augmentation à 20% pour le même exercice1. À cela s’ajoute une facture d’électricité qui pourrait gonfler de 27% pour une consommation identique. Wüest Partner table en outre sur une évolution stable des frais accessoires en 20242. Il ne s’agit néanmoins que d’une estimation sommaire, car en ce qui concerne précisément les prix de l’énergie, les événements géopolitiques actuels laissent présager une volatilité élevée cette année.

Introduction et exposé du problème

En complément au loyer à payer pour leurs logements ou leurs locaux commerciaux, les locataires doivent également supporter les frais accessoires qui ne sont pas inclus dans ce montant net et qui doivent être convenus clairement dans le bail.

Les frais accessoires revêtent une importance croissante, car tant les coûts liés à la consommation que les coûts fixes ne cessent d’augmenter depuis quelques années sous l’effet de la conjoncture économique. De surcroît, les technologies progressent constamment. Les propriétaires ou les gestionnaires de biens immobiliers sont par exemple de plus en plus nombreux à utiliser des applications pour la communication sur les locations, ce qui engendre des coûts, ou à installer des systèmes de fermeture spéciaux (commandés par smartphone), qui nécessitent un entretien supplémentaire. Les innovations techniques et autres peuvent ainsi alourdir les frais accessoires. Il est donc d’autant plus nécessaire de veiller à une gestion durable et parcimonieuse des ressources.

Certains coûts, comme les impôts, les primes d’assurance, l’entretien / réparations, ne peuvent pas être répercutés sur les locataires. Il n’est pas non plus facile d’établir une distinction claire entre différents coûts, tels que l'entretien / réparations.

La délimitation n’est pas toujours évidente entre les prestations qui peuvent être comptabilisées dans les frais accessoires et celles qui ne peuvent pas l’être, et dans la pratique, les avis sur certaines dépenses sont parfois divergents. Ces divergences d’opinions entraînent des litiges, qui se soldent eux-mêmes par des procédures auprès d’instances de conciliation ou de justice.

Frais accessoires : la théorie

Les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l’usage de la chose (art. 257a CO). Dans le cadre de la location d’un logement ou de locaux commerciaux, le bailleur met également à disposition l’infrastructure nécessaire, comme le chauffage, l’eau, l’électricité, la conciergerie, le travail de jardinage, l’aménagement extérieur, etc. Les coûts encourus à cette fin sont facturés séparément aux locataires au titre des frais dits accessoires dans la mesure où le bail le prévoit expressément.

Les frais administratifs encourus pour l’établissement d’un décompte des frais accessoires peuvent être facturés aux locataires.

La loi ne dresse pas la liste exhaustive des frais accessoires, mais cite à l’art. 257b, al. 1, CO les frais de chauffage, d’eau chaude et autres coûts d’exploitation, ainsi que les contributions publiques.

Conditions à la perception

Les conditions à respecter pour la perception de frais accessoires sont régies à l’art. 257a, al. 2, CO. Le paiement de ces frais doit être convenu spécifiquement par contrat entre le locataire et le bailleur.

Si le paiement des frais accessoires n’est pas convenu spécifiquement, ces frais sont considérés comme étant couverts par le loyer net et ils sont à la charge du bailleur.

Si un bail est conclu par écrit, le paiement des frais accessoires doit impérativement être convenu par écrit. Un accord verbal n’est pas suffisant.

Les locataires doivent savoir sans ambiguïté quels coûts ils doivent supporter en plus du loyer net. La seule mention des frais de chauffage, par exemple, ne suffit pas et n’inclut pas automatiquement les frais d’eau chaude s’ils ne sont pas indiqués à titre individuel dans le bail, y compris si l’eau chaude est produite par un système de chauffage central.

Le bailleur ne peut convenir contractuellement de prestations qui ne peuvent pas être comptabilisées dans les frais accessoires pour les faire ensuite supporter au locataire, car ce serait contraire au principe légal des prestations en rapport avec l’usage de la chose.

Il faut que les prestations qui peuvent être comptabilisées dans les frais accessoires aient effectivement été fournies et que leurs coûts aient effectivement été encourus. Il est donc exclu de facturer un forfait sur la base d’une prestation fournie l’année précédente si la facture de la prestation concernée n’est pas encore disponible. Le bailleur ne peut réaliser aucun bénéfice sur les frais accessoires, contrairement au cas du loyer net.

Si des frais accessoires sont facturés séparément, ces dépenses ne peuvent intervenir dans le calcul du loyer net.

Modes de décompte

Le bailleur peut percevoir les frais accessoires convenus, pour l’essentiel, selon quatre systèmes distincts :

  • Fixation par contrat d’un montant d’acompte mensuel s’ajoutant au loyer net et décompte annuel des frais accessoires
  • Fixation d’un montant forfaitaire pour les frais accessoires
  • Intégration des frais dans le loyer
  • Paiement des frais accessoires directement à un prestataire tiers

Plusieurs méthodes peuvent également être combinées dans un même bail.

À défaut de savoir avec certitude si les parties ont opté pour le système des paiements forfaitaires ou des paiements d’acompte dans le bail, il est présumé que cette seconde formule a été retenue, car le système des paiements d’acompte correspond davantage au principe des dépenses effectives inscrit à l’art. 257b, al. 1, CO.

Conclusions

À la lumière d’entretiens avec des avocats spécialisés dans le droit du bail (représentants de bailleurs et de locataires), il peut être établi que les défenseurs des bailleurs et des locataires s’entendent globalement sur les aspects juridiques. Il arrive néanmoins que les points de vue diffèrent sur les questions pour lesquelles il n’existe pas de règles claires.

La recherche documentaire révèle notamment que la loi (Code des obligations) et l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux énoncent peu de dispositions limpides sur les frais accessoires. Plusieurs décisions faisant jurisprudence et arrêts du Tribunal fédéral précisent par contre l’arsenal relativement maigre des prescriptions légales et ordonnances.

Ces conclusions font apparaître qu’une multitude de litiges pourraient éclater dès à présent entre les locataires et les bailleurs à propos des frais accessoires. D’ailleurs, ce sujet est voué à susciter encore de grandes difficultés à l’avenir, mobilisant toute notre attention. Une gestion claire, transparente et équitable n’est pas seulement indispensable sur le plan légal, mais favorise aussi une bonne relation avec les locataires.

1 Article de la NZZ, 28 octobre 2022 : Ungemütliche Aussichten für Mieter: Nach den Nebenkosten könnten bald auch die Mietzinsen steigen. (Perspectives sombres pour les locataires : après les frais accessoires, les loyers pourraient bientôt augmenter à leur tour.)
2 Wüest Partner, Immo-Monitoring, 2024

Auteurs

Portrait Micaela Dal Santo-Venzi

Micaela Dal Santo-Venzi

Portfolio Manager Real Estate Direct
SF Urban Properties SA

Member of Senior Management

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